Dans le cadre des Jeux olympiques Paris 2024 qui ont débuté le vendredi 26 juillet et sur invitation de la Ville de Luxembourg, le Conseil National des Femmes du Luxembourg (CNFL) présente l’exposition « Les sportives luxembourgeoises aux Jeux olympiques depuis 1924 », visible au Cercle Cité jusqu’au vendredi 02 août, soit une rétrospective puissante des athlètes féminines du mouvement sportif luxembourgeois. À cette occasion, nous sommes allées à la rencontre de Joëlle Letsch, administratrice du Conseil National des Femmes du Luxembourg, qui revient pour Elle Luxembourg sur la genèse de ce projet.
Comment est né ce projet d’exposition ?
Dans le cadre de ma présidence du Conseil National des Femmes du Luxembourg, en 2012, j’ai instauré un nouveau thème de réflexion « Les femmes dans le sport », ce qui nous a permis de rendre concrètes plusieurs actions. Parmi elles, l’idée de créer une exposition sur les athlètes féminines luxembourgeoises ayant participé aux Jeux Olympiques depuis Paris 1924, s’est très vite imposée. De manière générale, nous savons que les femmes sont moins visibles que leurs collègues masculins dans le sport.
En parallèle, nous avons collaboré avec un journaliste sportif sur un projet de livre qui relate l’histoire du sport féminin à Luxembourg, depuis ses débuts en 1909. Là encore, cette idée est née du fait qu’il n’existe pas vraiment de vue globale sur l’histoire des femmes pionnières du monde sportif. Ce sont elles qui ont œuvré pour que des jeunes femmes puissent pratiquer la gymnastique, la natation ou le tennis. J’ai notamment envie d’évoquer la nageuse Lory Koster, qui a été l’une des premières à côtoyer les sommets européens. Elle est allée jusqu’en finale aux JO à Paris en 1924 et, malheureusement, une crampe l’a fait manquer le podium. Elle a fini en sixième position, ce qui est déjà très honorable. Je trouve très important le fait de mettre en lumière ces femmes, afin de témoigner de leur force, de leur courage, mais également de leur engagement et peut-être même de leur avant-gardisme.
On imagine en effet qu’il était très marginal pour une femme des années 20 de quitter sa famille pour concourir aux Jeux olympiques…
Tout à fait : je pense notamment à Renée Brasseur, qui a participé aux épreuves de natation en 1924 aux côtés de Lory Koster. Elles ont été les toutes premières. À l’époque, il n’y avait pas de comité olympique qui épaulait les sportives comme on le voit maintenant. C’est sa sœur Marie, désignée accompagnatrice officielle, qui a chaperonnée Renée afin que celle-ci puisse participer aux Jeux olympiques. Mais une démarche pareille n’aurait pu se faire sans une famille encourageante qui soutenait le projet. C’est un bel exemple d’ouverture d’esprit, mais cela était rare pour l’époque.
Comment expliquez-vous que ces destins hors du commun n’aient pas été mis en lumière jusqu’à présent ?
Je pense que cela est le reflet d’une attitude assez générale dans la société, que ce soit dans le sport, la politique, l’économie, la culture ou autres : souvent, les hommes sont visibles tandis que les femmes restent en arrière-plan. J’ai travaillé sur plusieurs projets pour promouvoir l’égalité hommes-femmes dans le sport. Pour ce faire, il est intéressant de se baser sur des chiffres et de connaître les résultats des études internationales sur l’égalité dans le sport. C’est un fait que les femmes sont sous-médiatisées dans le sport. Heureusement, les mentalités commencent à changer, et je ne peux que me réjouir que ces Jeux olympiques Paris 2024 soient les premiers à être 100% paritaires. C’est une véritable avancée, et notre exposition va également dans ce sens : faire sortir les femmes de l’ombre, montrer que la pratique sportive féminine compte autant que celle de leurs homologues masculins. C’est notre devoir de soutenir le sport féminin et d’œuvrer pour une culture d’égalité dans le sport.
En quoi le sport peut-il être perçu comme un vecteur d’émancipation ?
Je prendrais l’exemple du vélo, qui a très vite été perçu – je parle des années 1880-1890 – comme quelque chose de libérateur. Au début du XXe siècle, les femmes n’étaient pas mobiles, elles étaient souvent contraintes à rester à la maison et tenir leur foyer ; leur seul moyen de locomotion, en dehors de la marche, était le cheval, et encore. Le vélo a immédiatement été perçu comme libérateur, et leur facilitant la vie quotidienne.
Le tennis également mérite d’être mentionné, car c’est un sport qui était pratiqué par les femmes – d’un certain milieu tout du moins – il y a 100 ans de cela. Les femmes, au même titre que les hommes, pouvaient choisir de s’adonner à cette pratique sportive pour s’activer, prendre plaisir et prendre soin de leur santé.
Qu’attendez-vous des Jeux olympiques Paris 2024 en matière d’avancée pour l’égalité hommes-femmes ?
Je me répète, mais je me réjouis vraiment que les responsables des Jeux olympiques Paris 2024 aient fait de la parité l’une de leurs principales valeurs. Cela est un signe fort pour le monde sportif, encourage la pratique sportive des femmes et motive les fédérations et clubs sportifs de tendre vers plus d’égalité de genres. Avec la ville d’Esch-sur-Alzette, nous avons réalisé un projet « Tou.te.s ensemble vers l’égalité femmes- hommes dans le sport ». Dans ce cadre, une étude sur l’égalité dans le sport a été menée avec les résultats suivants : il n’y a que 27% de femmes inscrites dans des associations sportives au Luxembourg. Au sein des conseils d’administration des fédérations, les femmes ne représentent que 21% et à la tête des fédérations sportives au Grand-Duché, on ne trouve que 9% de femmes. Ces chiffres correspondent, hélas, aux standards européens. Il faut résolument aller vers plus de parité pour ne pas se priver des compétences des femmes pour construire une société égalitaire digne de notre époque. En outre, la pratique sportive est primordiale pour la santé et pour le bien-être et favorise l’inclusion. Avançons donc ensemble pour réaliser l’égalité femmes-hommes dans le sport.
Pourquoi est-il indispensable d’aller voir cette exposition ?
L’exposition raconte l’histoire du sport féminin d’élite du Luxembourg. Sur 14 panneaux, elle met en lumière toutes les athlètes luxembourgeoises qui ont participé aux Jeux olympiques depuis 1924. Nous pouvons être fières de ces sportives exemplaires qui sont ou qui ont été d’excellentes ambassadrices de leur domaine sportif respectif. Cette exposition, qui est itinérante, voyage beaucoup et contribue à promouvoir le sport féminin. Elle pourra également servir aux jeunes générations, surtout aux jeunes filles, qui ont besoin de modèles féminins inspirants leur donnant envie à s’investir à leur tour.
À voir jusqu’au vendredi, 2 août 2024 ; du mardi au vendredi de 10h à 19h ; les samedis de 10h à 18h.
En partie dans la Lëtzebuerg City Bibliothèque et en partie dans le hall du Cercle à l'entrée de la bibliothèque (3 rue Genistre, L-1623 Luxembourg).
Entrée gratuite.
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