Phobie scolaire : « Il faut prendre le temps de comprendre ce qu’il se passe »

Mis à jour le 19 septembre 2024 par Salomé Jeko
Phobie scolaire : « Il faut prendre le temps de comprendre ce qu’il se passe »© Marion-Fregeac / Catherine Verdier

La rentrée scolaire est parfois très mal vécue chez certains élèves, pour qui le retour à l’école fait remonter des angoisses. D’autres, joyeux les premiers temps, peuvent progressivement décrocher, voire refuser de retourner au sein de leur établissement durant l’année. On parle alors de phobie scolaire, un phénomène qui n’a de cesse de s’amplifier, en témoigne Catherine Verdier, psychologue pour enfants et adolescents et fondatrice du centre Psyfamille à Luxembourg.

Comment repère-t-on la phobie scolaire chez l’enfant ?

La phobie scolaire peut se manifester graduellement, au fil des semaines, l’enfant n’était progressivement plus heureux de se rendre à l’école. Ou alors brusquement, lorsque du jour au lendemain, il va se retrouver incapable de franchir les grilles de son établissement. Il va devenir totalement impossible pour lui d’y entrer, certains vomissent même, ce qui est une façon d’extérioriser cette incapacité. On constate aussi des symptômes récurrents, comme les maux de ventre, qui, comme chez les adultes, signifient que quelque chose ne va pas. Les maux de tête aussi, les problèmes de sommeil, les cauchemars… Il faut être attentif à tout cela, prendre le temps de comprendre ce qu’il se passe.

Quelles peuvent être les causes de cette phobie ?

Les causes varient selon les âges, mais il faut savoir que tous les enfants peuvent être concernés, sauf peut-être un peu moins ceux qui vont à la maternelle. Ça commence plutôt au primaire en général, et bien sûr au lycée. Le problème peut venir d’un simple petit malentendu, comme un devoir pour lequel l’enfant a eu une mauvaise note, qu’il n’a pas osé faire signer et qu’il doit présenter à son professeur, à des choses bien plus complexes. La cause peut être un stress, un autre enfant ou un adulte aussi. Les enfants plus petits ne veulent parfois pas quitter leur foyer, ou leurs parents, parce qu’ils ont peur pour eux par exemple. Les plus grands peuvent souffrir du regard des autres, se sentir mal à l’aise, ne pas être intégrés à un groupe – ce qui est un besoin primordial à l’adolescence.

Sans oublier les affaires de harcèlement scolaire, je suppose…

Tout à fait. Un tiers des enfants victimes de harcèlement scolaire présentent aussi une phobie scolaire. On peut être victime de harcèlement, ou juste en être témoin, ce qui est aussi une position de victime, car l’enfant va se sentir mal à l’aise. Il ne veut pas assister à de la violence et ne sait pas comment se comporter face à elle. Le harcèlement est un sujet qui revient beaucoup dans nos consultations et il faut savoir que 100% des élèves sont confrontés un jour ou l’autre à ce type de situation – en tant que témoin, ou victime – dans leurs cursus scolaires.

En tant que parent, comment réagir et surtout, comment aider son enfant ?

Aux premiers symptômes, il faut creuser, discuter et éviter de forcer. Parfois, l’origine est « mineure » et l’angoisse peut rapidement disparaître, comme avec l’exemple de la mauvaise note. Sinon, il faut ouvrir la discussion avec l’école, parler aux professeurs pour essayer de comprendre et envisager la suite. Et puis consulter un psychologue. Pas le psychologue scolaire, car celui-ci est rattaché à l’environnement qui effraie l’enfant. Donc plutôt quelqu’un d’extérieur. Des traitements homéopathiques pour apaiser l’enfant peuvent parfois être bénéfiques, mais parfois il peut aussi être nécessaire de consulter un psychiatre, notamment pour un éventuel support médicamenteux, si vraiment les symptômes sont très poussés.

Que conseiller aux parents, pour qui ça doit être difficile de poursuivre une activité professionnelle avec un enfant qui va mal, à la maison ?

C’est en effet très compliqué pour les parents de gérer l’après. Que faire de son enfant qui reste à la maison alors qu’on doit travailler ? On ne peut pas le laisser seul, notamment s’il présente des symptômes dépressifs et qu’il y a un risque de tentative de suicide. Et puis il y a cette année scolaire qui s’écoule, l’apprentissage qui ne se fait pas.  Le télétravail, les cours à distance sont des choses qui peuvent aider et ça vaut vraiment la peine de se réorganiser. Les enfants apprennent souvent dix fois mieux chez eux, car ils sont soulagés et se sentent en sécurité. Mais tout cela reste effectivement très difficile pour les parents. Ils doivent absolument être entourés et aidés par l’école et les professeurs.

Diriez-vous, au vu des enfants et jeunes que vous recevez au sein de votre centre à Luxembourg, que la phobie scolaire s’amplifie ces dernières années ?

Tout à fait, notamment depuis le COVID et surtout chez les adolescents. Leur santé mentale va mal et beaucoup décrochent complètement. Ils sont victimes d’une sorte d’anxiété diffuse. C’est une forme d’écoanxiété souvent, due à la conjoncture internationale : ils n’arrivent plus à se projeter et préfèrent profiter du moment.

OBTENIR DE L’AIDE

CePAS – Centre psycho-social et d’accompagnement scolaire qui propose un service de consultation psychologique et psychothérapeutique pour les 12-30 ans. Le rendez-vous peut être pris auprès du Centre de Consultation pour Jeunes et Familles situé à Luxembourg et à Ettelbruck, pour une consultation gratuite et confidentielle (cepas.lu).

cepas.lu / 24 77 59 10 (Lundi au vendredi : 9h-12h et 13h-17h)

Maison Péitruss

La Pétrusse House est un service de gestion de crise gratuit, centré sur les jeunes de 12 à 21 ans. Elle est ouverte 24 h sur 24 et 7 jours sur 7 et située au 43 boulevard de la Pétrusse, à Luxembourg Gare. 

peitrusshaus.app / 8002 6002 

KJT – Le Kanner-Jugendtelefon offre un service de conseil par téléphone, en ligne ou par chat (mardi 18h-21h, online-chatberatung.kjt.lu), qui est anonyme, confidentiel et gratuit.

www.kjt.lu / 116 111

SePAS – Service psycho-social et d’accompagnement scolaire, à l’écoute dans tous les lycées.

À LIRE AUSSI :

Burnout parental : quand le quotidien pèse trop lourd 

Après la génération Z et les millenials, à quoi ressemblera la nouvelle génération Alpha ?

Dépression post partum : une fatalité ?