Comment se porte la sexualité des couples en 2025 ? ELLE Luxembourg s’est entretenu avec Séverine Godard, sexologue et psychothérapeute au Luxembourg, pour faire un point sur les sujets qui préoccupent ses patients dans son cabinet. Hommes et femmes rencontrent-ils les mêmes soucis ?
Comment se portent les couples et pourquoi vous consultent-ils en 2025 ?
Ils ne vont pas fort pour plein de raisons : la parentalité, le stress, le manque de communication et de temps passé ensemble, l’infidélité, mais aussi les boulots, qui prennent beaucoup de temps et de place et qui sont très exigeants au Luxembourg. Il y a aussi le fait qu’on privilégie parfois son bonheur et son plaisir personnel au détriment du temps passé à deux, sans oublier la routine bien sûr. Et c’est normal au bout d’un certain temps que ce ne soit plus tout le temps le feu d’artifice dans un couple. Mais on peut réveiller tout ça, en préparant par exemple un repas que l’autre apprécie, en mettant un peu de musique sympa, en discutant ou en tentant un jeu sexy qui permet d’approfondir la communication autour de la sexualité.
Est-ce que la notion de fidélité existe encore ?
Il est vrai que l’infidélité reste un motif de consultation assez fréquent. On remarque souvent que les couples qui se disent ouverts ne le sont finalement pas tant que ça, et que lorsqu’il y a une infidélité, la blessure de trahison est très forte et très douloureuse. Si on veut parler de couple ouvert, il faut être bien au clair tous les deux, poser des règles et être sûr que l’un et l’autre acceptent cette ouverture en la comprenant de la même façon.
Et les applications de rencontre, qui donnent accès rapidement à de potentiels partenaires, constituent-elles justement une tentation facile dont beaucoup font usage ?
Les applications c’est l’immédiateté, la facilité. On peut trouver un partenaire sexuel très rapidement et provoquer une rencontre en un rien de temps pour un one night stand par exemple. Sans parler des apps qui proposent des rendez-vous clandestins aux personnes mariées. Consommer la sexualité de cette façon, ce n’est pas chercher à rencontrer quelqu’un, c’est chercher le sexe pour le sexe. Et c’est facile d’être tenté par la nouveauté, surtout pour un couple installé dans une routine. On va commencer par s’envoyer des photos dénudées, ça va nous exciter… Mais finalement, est-ce qu’on ne pourrait pas aussi proposer cela à son ou sa partenaire de sorte que ça devienne un jeu du couple ?
Le téléphone, support de ces applications, mais aussi scotché en permanence à nos mains, est présenté partout comme le grand ennemi de la vie intime. Vous le constatez aussi ?
Tout à fait. Je ne suis pas anti-téléphone mais nos vies sont déjà si actives, que le peu de temps qu’on arrive à passer ensemble, il est dommage de le consacrer au téléphone. Parce que c’est à ces instants qu’on peut justement parler de soi à l’autre, de ses émotions, de sa journée, de ses besoins. Je crois que c’est important de trouver des moments pour donner de l’attention à l’autre.
Quels sont les problèmes sexuels les plus fréquents que vos patients vous confient ?
Le manque de désir, l’absence de sexualité, le trouble de l’érection, le décalage entre les envies des partenaires, avec l’un qui veut du sexe à des fréquences plus accrues et l’autre moins. Ça crée souvent des décalages, des conflits, des incompréhensions. Puis il y a aussi les difficultés de certains à atteindre l’orgasme, la jouissance, le plaisir.
Hommes et femmes rencontrent-ils les mêmes soucis ?
Côté désir, les problèmes ne sont pas genrés. Ils sont similaires chez les deux sexes, mais ils l’expriment différemment. Les mots, les ressentis, les visions, les perceptions vont être autres, mais au final on parle des mêmes choses, sauf qu’on ne les ressent pas de la même manière. Une femme qui manque de désir, c’est souvent parce qu’elle n’a plus le temps pour sa sexualité, entre les enfants, le travail… Elle va alors plutôt demander de l’affection, de l’attention, de la tendresse. L’homme va davantage avoir envie d’un moment intime et sexuel et va être plus direct, droit au but, tandis que sa compagne préfèrera qu’on lui crée un chemin vers le désir. J’ai l’impression que les gens veulent la même chose mais ne parlent pas la même langue.
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Côté désir, les problèmes ne sont pas genrés.
Quelles solutions leur apportez-vous en tant que sexologue ?
Il n’y a pas de solutions miracles mais il faut communiquer sur ses attentes, ses envies, ses besoins. Ce que j’aime au niveau de l’intimité, ce qui me fait envie, la position que je préfère, mon fantasme secret – souvent on n’ose pas en parler. Mais l’autre ne peut pas deviner ce dont on a envie ou comment on aimerait être séduite.
C’est pour ça qu’il faut prendre le temps de bien se connaître, de partager du temps de qualité ensemble. Sans téléphone, sans télé, juste en étant vraiment dédié l’un à l’autre. Et puis c’est bien de faire aussi des activités à deux : discuter, faire un massage, prendre un petit apéritif ensemble… Le désir, il faut en prendre soin. C’est quelque chose qui est spontané au début puis, au fur et à mesure que le couple évolue, diminue parfois. Il faut alors reprovoquer ce désir et chercher à le stimuler, à le construire et je dirais même à le co-construire.
Les gens feraient de moins en moins l’amour selon certaines études : la fréquence des rapports sexuels, est-ce quelque chose qui importe ?
Il n’y a pas de règle : si vous êtes épanoui en faisant l’amour une fois par semaine et que votre conjoint aussi, c’est parfait. Les statistiques sur la fréquence des rapports font que certaines personnes se pensent anormales. Or la libido, c’est un peu comme le poids, on est pas tous égaux face à cela. Et puis mieux vaut faire moins et bien, que souvent en se forçant de temps en temps. Ce qui est important c’est que le couple définisse ce qui le rend heureux. Je dis souvent : « la sexualité c’est votre terrain de jeu, mettez-y les règles que vous voulez et jouez autant que vous avez envie ». Surtout, n’oublions pas que l’amour ne passe pas uniquement par le sexe, mais aussi par tous ces moments où on rit ensemble, où il y a du partage, de la tendresse, de l’affection, de la complicité.
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Or la libido, c’est un peu comme le poids, on est pas tous égaux face à cela.
Mais le contact physique reste important…
Oui, très ! Il faut se faire des bisous, s’embrasser langoureusement comme au début, se prendre la main, se caresser la joue, s’enlacer. Ne pas oublier de se dire bonjour le matin, bonsoir le soir. Et dormir nu ! Ça déclenche une sécrétion d’hormones qui boostent la libido et le fait de ressentir l’autre, sa peau, son corps chaud, ça réveille les sens.
Est-ce que le mouvement #metoo, la récente affaire Pélicot et toutes ces actualités qui tournent autour des violences sexuelles ont un impact sur notre sexualité selon vous ?
Il y a certaines femmes qui ont davantage envie de prendre le dessus, de mener la danse, de s’imposer depuis ça. Mais je crois que ce qui est important dans une relation épanouie sur le plan sexuel, c’est le consentement des deux partenaires : les deux doivent être d’accord de faire ce qu’ils font. Vous avez envie d’aller en club libertin ? D’accord, mais il ne faut pas que l’un dise oui pour faire plaisir à l’autre, car certains se forcent de peur de perdre leur partenaire, mais vivent très mal cette expérience.
Par contre, il y a des hommes qui ne savent plus trop comment ou quoi faire pour aborder et séduire une femme, car ils ont peur de mal faire ou d’être accusés d’agression. Il y a quand même toute une remise en question de la masculinité aujourd’hui qui n’est évidente pour personne, car certaines femmes aiment encore la galanterie, la séduction… Les discours de certains mouvements féministes ne sont pas la représentation de toutes les femmes.
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Ce qui est important dans une relation épanouie sur le plan sexuel, c’est le consentement des deux partenaires.
Dans la presse, sur Internet, sur les réseaux sociaux, on assiste à une forme de libération de la parole autour de la sexualité de la femme, avec la masturbation dont on parle ouvertement, le sexe pendant les menstruations, l’orgasme… C’est bénéfique selon vous ?
Certaines femmes vont en effet parler plus ouvertement de leurs corps et de ce qu’elles veulent. Elles sont très à l’aise avec tout ça et c’est bien, mais là encore il y a un décalage par rapport à d’autres femmes qui sont davantage dans la gêne. Peut-être parce que le désir est moins fort, qu’il y a une pudeur ou une difficulté à être sexuelle par moments. Quand on expose l’intime au niveau public, ça peut aussi mettre des gens face à leurs difficultés et les mettre mal à l’aise et en souffrance. Pour certaines, la sexualité reste du domaine de l’intime, pour d’autres, elle est synonyme de traumatisme. Celles-ci n’auront pas envie d’aller acheter le dernier sextoy à la mode. Je trouve d’ailleurs que dans la plupart des consultations, le sujet de la sexualité reste encore et toujours assez intime et entouré d’une certaine pudeur.
Pour en savoir plus ou consulter Séverine Godard, sexologue et psychothérapeute au Luxembourg : sexologie.lu
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