« Il suffira d’une crise politique, économique et religieuse, pour que les droits des femmes, nos droits, soient remis en question » : cette mise en garde de Simone de Beauvoir, vous l’avez sans doute déjà lue ou entendue. Pourtant, en ce 8 mars 2025, Journée internationale des Droits des Femmes, il nous semble, plus que jamais, nécessaire de la rappeler. Partout dans le monde et au Luxembourg, sous des formes très différentes, des figures masculinistes tentent de reprendre le contrôle de nos corps, de nos esprits, de nos libertés durement conquises.
Face à ces menaces, l’éducation reste – et restera – notre meilleure arme. Lire, comprendre, transmettre : autant d’actes de résistance pour contrer l’ignorance et les schémas patriarcaux qui perdurent. C’est pourquoi nous avons sélectionné cinq ouvrages incontournables, cinq lectures fondamentales pour appréhender les luttes féministes, d’hier à aujourd’hui. À lire, à relire et surtout, à partager !
Le Deuxième Sexe, Simone de Beauvoir
Le livre : si vous ne deviez en lire qu’un seul, assurément, ce serait celui-là. Publié en 1949, Le Deuxième Sexe est l’un des textes fondateurs du féminisme contemporain. En s’appuyant sur la philosophie existentialiste et une analyse historique, Beauvoir y déconstruit l’idée que l’identité féminine est un destin biologique, affirmant au contraire : « On ne naît pas femme, on le devient. »
Pourquoi le lire ? Ce pavé intellectuel – en deux tomes – est une référence absolue pour comprendre les mécanismes de la domination masculine et la construction sociale du genre. Elle y étudie en effet, les différentes formes d’assujettissement dont les femmes font l’objet ; assujettissements qui entravent leur ascension intellectuelle et créative. Pour Simone de Beauvoir, l’émancipation des femmes repose donc sur le travail, l’effort et la liberté du corps – comprenez le contrôle de leur utérus. Si certaines analyses datent, sa vision du féminisme – qui inclut les hommes – reste toujours d’actualité et propose une grille de lecture essentielle pour penser le féminisme contemporain.
L’info en + : Arte a diffusé le 5 mars 2025, un documentaire qui revient sur la genèse de cette œuvre, en racontant son voyage aux Etats-Unis qui inspira Le Deuxième Sexe. Disponible en replay.
King Kong Théorie, Virginie Despentes
Le livre : Publié en 2006, King Kong Theorie part de l’expérience de Virginie Despentes, qui évoque sa jeunesse, son viol ou encore, son expérience de la prostitution. Sa plume est brute et percutante, dans la lignée d’un féminisme punk et sans concession, loin des normes bourgeoises. On aime ou on n’aime pas ; quoiqu’il en soit, cet ouvrage ne laisse personne indifférent.
Pourquoi le lire ? Parce que son incipit est culte : « J’écris de chez les moches, pour les moches, les frigides, les mal baisées, les imbaisables, toutes les exclues du grand marché à la bonne meuf, aussi bien que pour les hommes qui n’ont pas envie d’être protecteurs, ceux qui voudraient l’être, mais ne savent pas s’y prendre, ceux qui ne sont pas ambitieux, ni compétitifs, ni bien membrés. Parce que l’idéal de la femme blanche séduisante qu’on nous brandit tout le temps sous le nez, je crois bien qu’il n’existe pas. » Parce qu’il démolit les injonctions faites aux femmes avec une rage absolument libératrice. Parce qu’il donne une voix aux femmes marginalisées, considérées comme « hors norme ». Parce que c’est un manifeste féministe qui cogne fort et qui ne laisse personne indifférent.
Tout le monde peut devenir féministe, bell hooks
Le livre : Voilà un ouvrage qu’il faut offrir, car il constitue une excellente porte d’entrée sur le sujet. La militante et universitaire afro-américaine bell hooks (avec une minuscule, selon sa volonté – Gloria Jean Watkins à la ville), théoricienne du black feminism, y explique pourquoi le féminisme ne concerne pas seulement les femmes, mais toute la société, y compris les hommes. Elle y aborde les croisements entre sexisme, racisme et classisme, et plaide pour un féminisme inclusif.
Pourquoi le lire ? Parce qu’il démystifie le féminisme et le rend accessible à toutes et tous. Parce qu’il explique la nécessaire radicalité du féminisme – chose qui lui est souvent reprochée – car ce n’est qu’ainsi que l’on pourra mettre fin au sexisme. Enfin, parce que sa vision exigeante du féminisme nous met face à nos responsabilités : en clair, il ne suffit pas de se proclamer féministe pour le devenir ; cela passe par une introspection de son propre sexisme qu’il faut déconstruire. L’ennemi n’est pas l’homme, mais la dominance patriarcale sous toutes ses formes.
L’info en + : La seconde partie des mémoires de l’autrice – décédée en 2021 – viennent de paraître chez Plon, sous le titre de Rouge Feu. Alternant récit à la première personne et récit à la troisième personne, elle se remémore et analyse les étapes clés de sa vie d’adulte, de son entrée à l’université, à ses premières relations amoureuses, la naissance de son engagement politique et ses débuts en tant qu’écrivaine. Elle y aborde notamment la question de la sexualité et du corps. Un récit passionnant, qui fait chronologiquement suite à Noir d’Os.
La Cause des femmes, Gisèle Halimi
Le livre : Avocate dont le procès de Bobigny – historique – en 1972 a ouvert la voie à la Loi Veil (1975) en France, en mettant en lumière le droit des femmes à disposer de leur corps. Figure iconique du féminisme, Gisèle Halimi livre ici un témoignage puissant sur les combats judiciaires qu’elle a menés pour le droit à l’avortement et contre le viol. Un plaidoyer essentiel pour la justice et l’égalité.
Pourquoi le lire ? Parce qu’il incarne le féminisme en action, celui qui ne se contente pas de penser, mais qui agit concrètement. Parce qu’il rappelle les luttes passées et souligne tout ce qui reste à accomplir. Parce que c’est un manifeste ultra documenté, étayé par des chiffres et des documents qui permettent d’avoir un état de lieux très précis de l’époque.
Actions scandaleuses et rébellions quotidiennes, Gloria Steinem
Le livre : Militante, journaliste et figure de proue du féminisme américain, Gloria Steinem raconte ici ses expériences de terrain, ses conférences à travers les États-Unis, ses reportages clandestins – lorsqu’elle a infiltré un club PlayBoy new-yorkais de façon clandestine en se faisant engager en tant que « Bunny » notamment – et son engagement de chaque instant pour les droits des femmes. Son récit, captivant, à la fois inspirant et profondément humain, est un appel à la rébellion douce, mais déterminée.
Pourquoi le lire ? Parce qu’il montre que l’activisme peut prendre mille et une formes, des petites révoltes quotidiennes aux grandes actions médiatiques. Parce qu’il prouve qu’avec de la persévérance, chaque lutte peut porter ses fruits. Parce qu’il s’ancre dans des témoignages, à la faveur de cercles de paroles qui l’inspirent. Parce qu’elle aborde toutes les formes de domination, jusqu’aux vêtements féminins pensés pour être enlevés par une tierce personne. Enfin, pour la préface de Emma Watson, tout aussi pertinente, qui ne peut que vous donner envie de dévorer Actions scandaleuses et rébellions quotidiennes.
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