Tandis que certaines femmes revendiquent leur émancipation par le rejet des normes patriarcales, d’autres prônent un retour aux valeurs familiales traditionnelles, où la place de la femme serait centrée sur le foyer. Décryptage de deux mouvements qui illustrent ces tendances : le 4B et le Tradwife.
Né en Corée du Sud dans les années 2010, le mouvement 4B tire son nom de quatre expressions coréennes commençant par B : « Bi Yeon-ae » (pas de rendez-vous), « Bi Sex » (pas de sexe), « Bi Hon » (pas de mariage) et « Bi Chul-san » (pas d’accouchement).
Dire non aux attentes sociales imposées aux femmes
La messe est dite : le 4B appelle clairement à une rupture totale avec le patriarcat et les attentes sociales imposées aux femmes, rejetant ainsi toutes relations traditionnelles avec les hommes et pressions liées à la maternité et au mariage. Ce mouvement est né en réponse à une société sud-coréenne où les inégalités de genre et les violences basées sur le sexe (plus de 40% de violences conjugales en 2016 selon le gouvernement coréen) sont légion, où les tensions entre hommes et femmes progressent – avec la progression du courant antiféministe – et où les avancées des droits des femmes et leur contestation des hiérarchies traditionnelles se heurtent à une résistance masculiniste, parfois soutenue par les plus hautes instances.
Au-delà du contexte de révolte, le 4B illustre un autre problème du pays : son taux de natalité, l’un des plus bas au monde, avec seulement 0,7 naissance par femme en 2023, bien en dessous du taux de remplacement nécessaire de 2,1 pour maintenir la population actuelle. Il s’explique par le fait que de nombreuses femmes renoncent à devenir mères, notamment car elles sont contraintes de quitter leur emploi après avoir eu des enfants, en raison du manque de soutien pour équilibrer carrière et vie familiale. Une situation alarmante qui révèle une crise démographique majeure, avec des conséquences profondes sur l’économie et la structure sociale du pays. Et malgré des investissements massifs du gouvernement, qui se sont élevés à 200 milliards d’euros entre 2006 et 2021 pour encourager la natalité, ces efforts n’ont pas permis d’inverser la tendance.
De la Corée du Sud aux États-Unis
Ces derniers mois, le mouvement 4B, bien qu’encore marginal, gagne du terrain à l’international, notamment aux États-Unis, où il trouve des partisanes parmi les féministes qui luttent contre les menaces pesant sur les droits des femmes depuis la réélection de Donald Trump. En raison de ses attitudes condamnées et de ses prises de position controversées sur les femmes, le droit à l’avortement ou encore l’égalité des genres, le mouvement est devenu viral, avec des vidéos explicatives ou d’autres, plus radicales encore, de femmes se rasant la tête. Le hashtag #4Bmovement a généré plus de sept millions de vues sur TikTok et a atteint plus de 45 millions de comptes sur X.

Jessica Valenti est une essayiste et blogueuse féministe américaine, fondatrice du blog Feministing en 2004.
Tradwife : un retour aux valeurs familiales traditionnelles
À l’opposé du mouvement 4B, le phénomène des « trad wives » (abréviation de l’anglais traditional wife, en français « épouse traditionnelle ») prend une direction toute autre, en revendiquant un retour aux rôles traditionnels de la femme dans la société. Ne pas travailler, s’occuper de son foyer et de ses enfants, faire la cuisine, le ménage et être sexuellement disponible pour son mari comptent parmi les missions qu’elles s’attribuent. Ces femmes, dépendantes financièrement de leurs maris, choisissent ainsi de se consacrer entièrement à leur rôle de mère et d’épouse, rejetant les valeurs du féminisme moderne qui préconise l’égalité entre hommes et femmes dans tous les domaines de la société. Retour dans les années 1950 en somme.
Cette tendance se traduit également par un soutien affiché à des figures politiques conservatrices, comme Donald Trump justement, qu’elles considèrent comme un défenseur des valeurs familiales et patriarcales qu’elles souhaitent préserver.

Estee Williams, l’une des plus célèbres « tradwife » américaines présente sur les réseaux sociaux.
Paradoxe qui prête à sourire : si les trad wives prônent un retour aux valeurs d’antan, elles le font, pour la plupart, téléphone en main. Leur vie de femme au foyer, soigneusement mise en scène, se décline en reels et en stories ultra-léchées, loin des magazines papier d’autrefois. Entre tutoriels de cuisine, conseils pour un mariage harmonieux et intérieurs immaculés, elles transforment leur quotidien domestique en véritable business digital…
Et du côté de chez nous ?
Le Luxembourg – comme la France, la Belgique ou l’Allemagne – ne semble pour l’instant pas impacté par les mouvements 4B ou Tradwife. Le débat y reste principalement axé sur des enjeux d’égalité des droits et de lutte contre les discriminations, en s’attaquant aux inégalités de salaire, à la violence domestique et aux stéréotypes de genre, entre autres. Mais si ces mouvements opposés révèlent bien une chose, c’est que rien n’est jamais acquis. Entre remises en cause du droit à l’avortement et retour des idéaux conservateurs, les droits des femmes restent fragiles. L’enjeu essentiel ? Que chaque femme puisse décider librement de son mode de vie, sans subir de diktats, quels qu’ils soient.
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